Parutions récentes et à venir
Coordination éditoriale Trou Noir no.4 – Marseille, désirs en désordre, 30 mai 2025
Monde de l’art à l’âge du capitalisme, dir. Florian Gaité, Presses Universitaires de Vincennes, 2025
Dissidences (titre provisoire), avec Gianfranco Rebucini, éditions Divergences, 2026-27
Traité pour une civilisation postcapitaliste (titre provisoire), avec Emma Bigé, ouvrage collectif, dir. Jérome Baschet/Laurent Jeanpierre, La Découverte, 2025/2026
Rencontres récentes et à venir
À venir:
31 mai, Désirs d’archives avec Hélène Giannechini, Festival “Oh les beaux jours!”, Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille
29 mai, Lancement revue Trou Noir Marseille + Uncivilized collective, La Dar, Marseille
28 mai, Soirée Fantômes avec Lazare Lazarus, Felixe Kazi-Tani et Hélène Giannechini, L’Imprimerie, Marseille
19 juin, Présentation Trou Noir Marseille, Librairie Les Mots à la Bouche, Paris
20 Juin, Derek Jarman et les paysages, Galerie DS, Paris
Passées:
20 février, Librairie Michèle Firk, Montreuil
24 février, Conférence inaugurale, Mois du Genre, Université d’Angers
27 février, Présentation avec Jef Klak, Lait de Vache, L’Imprimerie, Marseille
15 mai, Saint Derek, une soirée avec Derek Jarman avec Julou Dublé, Librairie Zoèmes, Marseille
19 mai, Archives minoritaires, istitutionalisation et regénération des luttes avec Olivier Marboeuf et Véronique Clette-Gakuba, CAPC Bordeaux.
Jeu. 30 Janvier 2025
Présentation Des jours et des rêves
En discussion avec Mickaël TempêtePrésentation de l’ouvrage d’Edward Carpenter, Des Jours et des Rêves.
Librairie Les Mots à la Bouche,
37 rue Saint-Ambroise
75011 Paris
Mer. 22 Janvier 2025
Lancement Des jours et des rêves
En discussion avec Florian GaitéPrésentation de l’ouvrage d’Edward Carpenter, Des Jours et des Rêves.
19h – Librairie L’Hydre aux Mille Têtes
93 rue Saint-Savournin
13001 Marseille
Mer. 19 décembre 2024
Les entretiens du Nouveau Monde Industriel
En discussion avec Ludovic Duhem, Alexandre Monnin et Mathieu TriclotSession 4: Eco-technologie, techno-esthétique et communautés alternatives
Pour Gilbert Simondon, l’individu (et par extension l’objet technique) qui optimise le « rendement » de son rapport à son milieu fonde une « techno-esthétique » à tel point que nous devrions pouvoir distinguer, dans le monde industriel, les systèmes monstrueux ou infidèles à leur milieu, des systèmes optimisés dans leur concrétisation, c’est-à-dire aussi proches des systèmes biologiques. Comment cette approche que l’on peut qualifier d’« éco-technologique » peut-elle modifier nos démarches d’ingénierie et de design mais aussi les pratiques esthétiques elles-mêmes ? Comment les communautés alternatives et notamment dans le champ de l’écologie peuvent ainsi se réapproprier un discours sur l’industrie ?
Centre Pompidou,
Place George-Pompidou, 75004 Paris
10h–12h30
Programme disponible en ligne
Jeu. 24 oct. 2024
Derek Jarman
Ouvrage publié par JRP|Editions avec le Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, suite à son exposition Derek Jarman. Dead Souls Whisper (1986-1993) présentée en 2021, avec le soutien du Centre national des arts plastiques.Le Centre national des arts plastiques (Cnap) et la Bibliothèque Kandinsky du Musée national d’art moderne/Centre de Création Industrielle, Centre Pompidou sont heureux de vous inviter à la présentation de l’ouvrage Derek Jarman, paru chez JRP|Editions. Une rencontre en présence de Clément Dirié, Claire Le Restif, Cy Lecerf Maulpoix, James Mackay et Marco Martella. Peintre et sculpteur, réalisateur de films et de vidéos clips, scénariste et écrivain, activiste et jardinier, Derek Jarman (1942-1994) est l’auteur d’une oeuvre prolifique, résolument engagée dans son temps, profondément animée par la volonté d’inventer de nouvelles formes et de revisiter l’histoire des arts et de la pensée, notamment britanniques.
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
20h30—21h30
Mer. 19 sept. 2024
Ce qui mouille: création collective
Avec Emma Bigé, Léa Rivière, Marcela Santander, Ife DayDans le cadre du “Festival Extra”
Sur une invitation lancée au chercheur Cy Lecerf Maulpoix, auteur de l’essai Écologies déviantes. Voyage en terres queers (ed. Cambourakis) et dont la pensée articule dissidence sexuelle, critique du capitalisme et écologie radicale, le festival Extra! accueille une lecture-performance autour de l’eau, des flux liquides et des environnements marins. Une exploration aquatique d’écologies plurielles et subversives, avec la théoricienne et danseuse Emma Bigé (Mouvementements, La Découverte 2023), Léa Rivière, danseuse et poète, autrice de L’Odeur des pierres mouillées(Éditions du Commun 2023), la danseuse et chorégraphe chilienne Marcela Santander, et l'artiste performeureuse Ife Day.
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
20h30—21h30
Niveau -1
“Fragments scatopolitiques”, Trou noir no.2: aimons-nous le sexe ?
Aimons-nous le sexe ? Ce numéro de Trou Noir cherche à explorer ce que le sexe et le politique auraient encore à fricoter ensemble, et à articuler nos paroles sans pour autant les faire se confondre. Bien sûr, répondre « oui » ou « non » à cette question ne relève pas de l’évidence et ne permettra pas de se situer sur une quelconque échelle de la dissidence sexuelle, mais y répondre quand même en allant puiser en soi-même, dans la littérature, dans la recherche, dans l’histoire, dans des expériences de groupe, dans toutes formes susceptibles de nous aider à penser le désir sexuel comme une résistance au pouvoir.
Trou Noir éditions
Date de sortie : 2023
160 pages / 110 x 180 mm
12,00 euros
ISBN 979-1-09451-233-3
Extrait :
PEUPLES BOUSEUX ET MARGES IMPURES
Il n’est donc pas étonnant de retrouver de la merde aux alentours des histoires de contrôle social et d’exploitation. L’abjection par l’excrément devient la marque contaminant les sujets à dominer ou discriminer. Si l’association entre la paysannerie et les excréments a plus souvent été mise en avant en raison du lien de cette dernière avec la terre et les déjections animales, la philosophe Elsa Dorlin la rapproche également du processus de sorciérisation des sages-femmes au 17e siècle. Leurs remèdes deviennent des maléfices sous la forme de « soupes faites d’excréments et
de déchets (urine, sang, fiente, charognes, etc.) »(12). Le mode d’existence de celles désignées comme « sorcières », les cultures et connaissances qu’elles incarnent renvoient justement à une forme de savoir, à un certain rapport au corps, à la matière, à la vie et la mort qu’il s’agit d’éradiquer au profit de la transformation et de la modernisation d’une médecine patriarcale soutenant l’émergence du capitalisme moderne.
De même, si l’apanage fantasmatique lié à la saleté, au bas-corporel a pu nourrir les récits coloniaux depuis longtemps, l’enjeu de maintenir une hiérarchie plantocratique (13) et une hégémonie blanche au sein de la société coloniale du 18e siècle aboutit à l’émergence de nouvelles formes de stigmatisation circulant au sein des populations racisé. es. En témoigne l’exemple des enfants métisses nés d’une mère noire esclave et d’un Européen ou colon blanc héritant de « la condition servile » maternelle selon le Code noir. Convoités politiquement et stratégiquement pour aider à maintenir un contrôle sur les vies noires et pour lutter contre les insurrections et conflits qui émaillent et fracturent le système colonial, ils sont incorporés dans la police, chargés de chasser les esclaves en fuite. Ils deviennent, comme le raconte Dorlin, « miliciens, chasseurs de marrons [...] une force de répression et de maintien de l’ordre local ». Ils se voient en raison de leur alliance, affublés par les popula- tions noires, marronnes ou esclaves, du sobriquet insultant de « caca-béqué » ou caca blanc.
En France, à la même époque, le lien entre excréments, sodomie et homosexualité raconte d’autres formes de répression et se voit constamment sollicitée comme un argument moral et politique de dévaluation. Comme le rappelle le chercheur Thierry Pastorello, certains pamphlets révolutionnaires, après l’abolition du crime de sodomie en 1791, reconduisent par exemple des idéologies sur l’anti-naturalité de l’homosexualité masculine. Le patriote révolutionnaire viril rejette ainsi l’homosexualité et les pratiques anales du côté de la décadence aristocratique. Plutôt le sang que la merde déclame-t-il : « Je déteste les bardaches et les bougres qui pêchent les étrons à la ligne et lorsque je bandais, je me serais branlé jusqu’au sang, plutôt que d’insinuer mon vit entre des fesses dont je l’aurais tiré tout merdeux » (14).
Quelques années plus tard, des images satiriques visant le régime napoléonien via l’un de ses ministres Jean-Jacques-Régis de Cambacérès réactualisent cette même association. Souvent caricaturé en raison de son homosexualité et de sa gourmandise, considérées comme révélatrices d’une décadence morale et économique du régime, plusieurs images le présentent tantôt en porc se nourrissant dans une auge pleine d’excréments tantôt en pêcheur d’étrons. « Au porc impur, glou- ton et sale s’ajoute désormais le cochon luxurieux et libidineux » analyse ainsi Pastorello.
Un peu moins d’un siècle plus tard, l’émergence de la sexologie articule autrement analité, homosexualité et coprophagie. Pour le médecin anglais Havelock Ellis, pourtant attaché à l’idée de décriminaliser l’inversion sexuelle, l’appel à la tolérance se fait au nom d’une logique ambiguë : « manger des excréments [...] est extrêmement dégoûtant, mais ce n’est pas criminel. La confusion qui existe ainsi, même dans l’esprit des juristes, entre le dégoûtant et le criminel est une preuve supplémentaire de la non pertinence de la peine juridique pour l’homosexualité ordinaire. » (15)
Différemment, dans l’un des rares ouvrages récents portant sur les excréments, Histoire et bizarreries des excréments, l’encyclopédiste autodidacte Martin Monestier relie à son tour dans un passage sur la coprophagie, les pratiques homosexuelles développées dans les tasses ou vespasiennes du 19e et 20e siècle, et notamment celle des croutenards qui consistait notamment à éponger l’urine des toilettes publiques avec un morceau de pain (16).
Le sujet homosexuel, quelles que soient ses pratiques, se voit donc régulièrement renvoyé par les imaginaires hégémoniques à la matière excrémentielle et à la matrice de l’abjection. Au moins jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, il relève des marges dangereuses, menaçant le progrès civilisationnel et économique. Courant toujours le risque d’incarner cette jouissance anale réprimée socialement, il pervertit le cycle productif et reproductif, devient synonyme de gaspillage. Il appartient alors, s’il fallait réinsister, au peuple des décadent.es, aux sujets-déchets ; les deux termes partageant la même racine latine cadere, qui signifie « tomber », en l’occurrence ici dans les marges du régime capitaliste. Cette articulation est évidemment essentielle dans le développement de théories gays révolutionnaires des années 70 qui revendiquent le stigmate de l’improductivité, d’un fléau ou d’une menace sociale susceptible de renverser les logiques civilisationnelles hétérocapitalistes. « Nous autres gays le savons bien, notre condition est proche de la révolte gaie de la merde » écrit ainsi Mario Mieli en 1977 (17).
12. Elsa Dorlin, La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française, La Découverte, 2009.
13. Le terme est utilisé par Elsa Dorlin. La plantocratie désigne un système social et politique où les planteurs, c’est-à- dire les propriétaires de plantations agricoles, détiennent le pouvoir économique, politique et social.
14. La Requête en faveur des putains, des fouteuses, des ma-querelles et des branleuses contre les bougres, les bardaches et les brûleurs de paillasses, datée de l’an II citée dans « La sodomie masculine dans les pamphlets révolutionnaires », Annales historiques de la Révolution française, 361, juil- let-septembre 2010.
15. Havelock Ellis, L’Inversion sexuelle, Cercle du Livre Précieux, 1966 (1900).
16. Martin Monestier, Histoire et bizarrerie des excréments, Des origines à nos jours, Cherche-Midi, 2012 (1997).
17. Mario Mieli, Éléments de critique homosexuelle. Italie : les années de plomb, Epel, 2008 (1978).